La BRVM a pris deux décisions le 31 décembre 2015. L’une est relative au niveau du flottant et la seconde concerne le volume minium de titres composant ce flottant. Comment peut-on comprendre ces deux mesures et quels en seront les impacts sur les sociétés cotées à la BRVM ?
QUE SIGNIFIE LE TERME « FLOTTANT »
Le capital des sociétés cotées en bourse peut être subdivisé en trois parties. La première partie, détenue par les actionnaires historiques est généralement la plus importante. (Exemple France TELECOM détient 42% du capital de SONATEL). La seconde partie est détenue par des investisseurs privés ou des Etats (L’Etat sénégalais et le personnel de la SONATEL se partagent 33% du capital de ladite société). La dernière partie qui est disponible sur le marché financier pour tous les investisseurs de la BRVM est appelée « flottant ». (Elle représente 25% du capital de la SONATEL)
COMMENT COMPRENDRE CES DEUX DECISIONS ?
La première décision porte sur le niveau du flottant. Elle stipule ceci : « les sociétés cotées à la BRVM dispose d’un délai de deux ans pour se conformer à la règlementation en vigueur leur exigeant un niveau minimum de flottant de 20% de leur capital ». Cette décision n’institue rien de nouveau mais insiste sur le respect d’une disposition déjà présente dans le règlement de la BRVM. En effet, selon un rapport établi par La BRVM relatif au niveau du flottant au 31/12/2014, 17 des 38 des sociétés cotées (soit 45% du marché) ont un niveau de flottant inférieur à 20%. Plus grave, 10 d’entre elles ont un niveau de flottant inférieur à 15%. Il s’agit de SERVAIR (14,33%), CFAO (4,12%), ETIT (4,30%), NESTLE (12,31%), TRACTAFRIC MOTORS (14,06%), CROWM SIEM (10,42%), SICOR (12,56%), SOLIBRA (9,12%), MOVIS (6,91%) et UNILEVER (10.02%). Il s’agit pour ces sociétés de relever ce niveau à 20%. Pour ce faire, elles auront deux options. La première option serait de procéder à une augmentation de capital sur la BRVM à hauteur du montant de capital nécessaire pour que le flottant remonte à 20%. La seconde option consisterait pour les actionnaires majoritaires ou les Etats à vendre une partie de leurs actions aux investisseurs de la BRVM. Cette solution a été déjà utilisée par TOTAL OUTRE MER dans le cadre de l’introduction en bourse de TOTAL SENEGAL en 2015.
La seconde décision porte sur le volume de titres composant le flottant. Elle stipule que les sociétés cotées devraient relever le nombre de titres composant le flottant. Les nouveaux volumes devront être compris entre 2 000 000 et 10 00 000 de titres en fonction de la capitalisation boursière de la société. Pour mieux comprendre cette décision, prenons le cas de la société VIVO ENERGY CI.
Son capital social est composé de 1 270 000 actions dont 357 000 en circulation sur la marché financier. Ce flottant correspond à 28,33% du capital de la société. De ce point de vu, VIVO ENERGY respecte déjà la première décision. Toutefois, la capitalisation boursière de VIVO ENERGY est de 87 412 500 000. Suivant la seconde décision de la BRVM, le nombre d’actions composant le flottant d’une société dont la capitalisation est comprise 50 et 99 milliards doit être de 4 000 000 au minimum. Cela signifie que VIVO ENERGY CI devra passer de 357 000 actions en circulation à 4 000 000 au moins. Pour ce faire, VIVO ENERGY CI pourra utiliser le fractionnement. Selon nos calculs, si cette société divise la valeur de son action par 12, elle aura désormais 4 284 000 actions en circulation sur la marché. Une action VIVO ENERGY couterait CFA 6 250 l’unité contre CFA 75 000 actuellement.
QUEL EST L’INTERET DE CES MESURES?
Comme le montre l’exemple de VIVO ENERGY CI, il s’agirait en premier lieu de rendre accessible les titres vendus à la BRVM. En effet, depuis quelques années, la capitalisation de la BRVM s’est accrue significativement alors que le nombre de sociétés cotées a peu évolué. Cette croissance est donc alimentée uniquement par les titres déjà présents sur le marché dont les cours se sont envolés pour ainsi dire. A titre d’exemple le titre SODECI est passé de 18 000 au 30/12/2011 à 103 995 au 31/12/2015 soit une croissance 478% en 4 ans alors même que le résultat net de cette entreprise n’a progressé que de 100% environ sur la même période. Cette réforme devrait ramener les cours à un niveau plus abordable pour les populations de l’espace UEMOA.
Elle permettrait en outre de rendre le marché plus liquide par l’accroissement du nombre de titres en circulation. En effet, actuellement il n’y a que 22 500 actions TRACTAFRIC MOTORS en circulation sur un marché financier qui englobe des investisseurs de huit pays.
QUELLES SONT LES LIMITES DE CES MESURES ?
En principe, le fractionnement ne devrait pas poser de problèmes aux différentes sociétés. En effet, le marché financier de l’UEMOA a déjà assisté à plusieurs opérations de ce type à l’initiative des sociétés elles même. TOTAL CI et UNIWAX CI en sont des exemples récents. Mais le point qui pourrait créer plus de soucis est celui relatif au niveau du flottant. En effet, dans quel intérêt des groupes comme CASTEL, NESTLE ou CFAO réduiraient leurs parts de capital dans leurs filiales ivoiriennes ? Ces sociétés ont une notoriété déjà établies et ne sollicitent presque pas le marché financier pour leurs besoins en capitaux. A vrai dire, certaines d’entre elles se sont retrouvées en bourse seulement dans le cadre des processus de privatisation engagées par l’Etat de Côte d’Ivoire (NSIA BANQUE CI devrait subir le même sort dans quelques mois). Pire, cette mesure pourrait entrainer le retrait de la cote de celles dont le flottant est très faible. Cela est possible si les actionnaires majoritaires procèdent à une Offre Publique d’Achat. Ce risque n’est pas à prendre à la légère. On se rappelle qu’en mars 2009, SERVAIR INTERNATIONAL avait envisagé de retirer SERVAIR ABIDJAN de la BRVM afin de réduire ses charges.
QUE RETENIR ?
Ces deux décisions sont très importantes et devraient impacter fortement l’activité du marché dans les années à venir. Les sociétés qui accepteront de jouer le jeu verront leurs actions redevenir accessibles à la majeure partie des populations de l’espace UEMOA. Et dans le même temps, la liquidité du marché sera fortement améliorée. Ainsi il sera possible d’acheter des actions VIVO ENERGY CI aussi facilement que des actions ONATEL. Toutefois, il y’a un risque que certaines entreprises se servent de ces mesures pour quitter la cote tout simplement. Un tel scénario serait préjudiciable à un marché déjà peu fourni en acteurs. L’avenir et surtout les assemblées générales de 2016 nous situeront.
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BRICE KOUAO
Comptable et investisseur à la BRVM
Promoteur de la plate-forme de formation en ligne L’ECOLE DE LA BOURSE
Merci caoch